Danse et écologie humaine
L’écologie humaine est à l’origine de notre pensée et de la pratique de notre art, le corps en mouvement, la danse ! Nous considérons l’écologie comme une pratique du quotidien, une part de nous à déposer et à planter, comme une graine à semer ici, une racine à planter par là. À l’ère où l’écologie est bien trop souvent un phénomène de mode, un courant superficiel de type greenwashing ( comme les cases à cocher dans les récentes demandes de subvention ), nous choisissons de mettre en mouvement nos convictions écologiques à travers des actions porteuses de transformations concrètes. Cette démarche de recherche-action nous accompagne dans nos projets artistiques et nos modes de vie. C’est un questionnement de chaque instant et un choix nécessaire, un chemin que nous tentons d’emprunter même si cela n’est pas toujours confortable !
L‘écologie est un mot qui porte en soi une forme de radicalité.
Le voisin écolo, la boutique écolo déjà portent en eux le spectacle, la dérision, le mot est lavé de son sens c’est à dire déraciné…
Or l’écologie est radicale dans le sens d’une décision, provenant souvent d’une réalisation.
L’écologie est à contre courant de notre société qui aseptise le vivant, les miasmes, l’organique, l’invisible.
Deux chercheurs penseurs ont creusé les chemins écologiques que nous soutenons et qui nous inspirent.
Ivan Illich a développé l’idée d’outil convivial, et montré qu’il y a un seuil de modernité au delà duquel, celle-ci ne sert plus mais nous rend esclave. La modernité débridée dont les fruits mirifiques n’ont pour objet que l’alimentation de sa propre machine.
L’outil convivial étant l’outil qui à la fois nous aide, nous élève et nous rend joyeux.
Lors des déplacements à vélo avec notre remorque pour jouer un spectacle et acheminer le matériel, l’outil déplacement illustre cette idée du plaisir que nous expérimentons lors de nos trajets et la joie de suivre des chemins qui ne sont pas écocides.
Alexandre Grothendieck est considéré comme le plus grand mathématicien du vingtième siècle, qui au faîte de sa renommée, réalisant que la recherche nourrit une machine destructive et militaire change radicalement de direction. En militant pour la paix et la protection du vivant, il ouvre alors la voie à une forme d’intransigeance et de « radicalité ».
Cette intransigeance, loin d’être une forme d’extrémisme comme aime à le penser les soutenants de la grande marmite libérale, où justement tout est permis, et donc, rien, du coup ne peut être interdit, trace le chemin de celui qui cherche à définir ce qui est juste, bien ou bon.
L’écologie comme reflexion-action a pris tout son sens au sein de la compagnie lors des premières performances de TransHumÂncia à Lisbonne en 2018 nées de la rencontre entre Sara Jaleco, Docteure en biologie, Chercheuse, Chorégraphe et Danseuse, et Etienne Gentil, Constructeur et Performeur. Aujurd’hui, nous, artistes, techniciens, techniciennes, acteurs et actrices de la Cie LeMooveNeMent, réflechissons comment agir à notre petite échelle pour respecter la multitude et l’immense diversité des formes d’existence. Comment se mettre à distance du flux de production et de consommation capitaliste et assassin d’une partie de notre humanité et du monde du vivant, qui malheureusement et parfois malgré nous, atteint aussi l’art. Oui ! L’art qui à l’origine n’a aucun lien avec la vente, la marchandise, l’achat de quoi que ce soit. Nous avons la chance de bénéficier d’un système dans lequel créer en tant qu’artiste est valorisé comme un métier, en étant une activité qui s’échange contre une rémunération. C’est pourquoi nous cherchons et tentons de travailler et d’agir en cohérence avec nos idées.Nous réflechissons au moment des créations des spectacles de la compagnie, à la quantité et au type de matériel que nous pourrons transporter en vélo ou en transport collectif. Nous choisissons aussi des outils numériques aux choix déontologiques et fonctionnant avec des énergies renouvelables.
Suivre un chemin écologique est un chemin de rupture, voire de renoncement. Aller vers ce qui nous élève plutôt que vers ce qui détruit, quitte à renoncer. Mais est-ce vraiment un renoncement ?